1. Introduction

Dans son arrêt Al-Dulimi et Montana Management Inc. c Suisse,[1] la Cour européenne des droits de l’homme (Deuxième Chambre) a pour la première fois appliqué le principe de la protection équivalente au système des Nations Unies. Ce mécanisme a fréquemment été utilisé dans le système de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) afin d’évaluer la compatibilité avec la Convention des conduites adoptées par les Etats membres d’une organisation internationale dans l’exécution d’obligations imposées par cette dernière.[2]

Selon l’interprétation traditionnelle donnée par la Cour au principe de la protection équivalente, l’Etat membre demeure responsable pour les mesures adoptées en exécution des décisions contraignantes de l’organisation internationale qui violeraient les obligations découlant de la Convention. Cette circonstance est néanmoins susceptible d’affecter le type de contrôle qui doit être exercé par la Cour afin d’établir la conformité des conduites étatiques aux obligations imposées par la Convention.[3] Un acte contraignant, adopté par une organisation internationale et destiné à produire ses effets dans un ordre juridique étatique, peut donc se soustraire au contrôle de la Cour uniquement à la condition que les Etats parties à cette organisation aient pourvu celle-ci de mécanismes substantiels et procéduraux capables d’assurer une protection équivalente des droits fondamentaux prévus dans le système normatif de la Convention.

La Cour avait cependant réservé l’application du mécanisme de l’équivalence à des systèmes juridiques considérés du moins en principe comme étant aptes à assurer une protection équivalente des droits fondamentaux garantis par la Convention. Ce principe avait été affirmé pour la première fois par la Commission européenne des droits de l’homme dans une décision qui avait déclaré irrecevable une requête dirigée contre un Etat membre ayant exécuté, sans disposer d’aucune marge d’appréciation, une obligation découlant du droit communautaire, à raison de l’existence d’une présomption de protection des droits fondamentaux, dans le système juridique des Communautés européennes, équivalente à celle offerte par la Convention.[4] Le critère de la protection équivalente a ensuite été largement repris par la Cour européenne pour aborder le problème de l’incompatibilité entre les obligations imposées par le système de la CEDH et les obligations découlant de la participation à l’Union européenne.[5] Le principe a également été utilisé par la Cour pour régler des cas relatifs à la fonction publique internationale.[6]

Dans toutes ces affaires, le résultat du contrôle d’équivalence a conduit la Cour à constater, dans le système normatif d’origine de l’acte imposant la mesure contestée, l’existence d’une protection équivalente des droits conventionnels. Une telle appréciation a entrainé le rejet systématique des actions intentées par les requérants concernant des mesures étatiques d’exécution d’obligations internationales, puisque les mécanismes de contrôle prévus à cette fin par l’organisation internationale en question avaient été effectivement déployés.[7]

 

2. La tendance de la Cour à éviter la constatation de l’existence de conflits entre le système des Nations Unies et le système de la Convention

Avant de se prononcer sur l’affaire Al-Dulimi, la Cour européenne avait soigneusement évité de recourir au principe de la protection équivalente dans les questions relatives à la responsabilité des Etats parties à la Convention pour les actes accomplis dans l’exécution des mesures obligatoires imposées par l’Organisation des Nations Unies. Le caractère impératif de la mission fondamentale attribuée à cette organisation dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité collective semble par ailleurs avoir profondément influencé les positions jurisprudentielles élaborées par la Cour européenne au cours des années dans la détermination des relations entre le système de la CEDH et l’ordre juridique onusien.[8]

Au fil de sa jurisprudence, la Cour a essayé, dans la mesure du possible, d’harmoniser les obligations ayant un contenu divergent. Plus généralement, elle s’est efforcée de reconstruire les relations entre systèmes normatifs afin de réduire les conflits entre eux.[9] Cette tendance s’est exprimée tout d’abord par la mise en évidence et le développement d’une présomption générale favorable à l’interprétation conforme, laquelle, dans l’affaire Al-Jedda c Royaume-Uni, avait conduit la Cour à juger que, en l’absence d’une indication claire et explicite contraire, les mesures adoptées par les Nations Unies imposent aux Etats membres l’obligation d’agir en accord avec les règles relatives à la protection des droits fondamentaux.[10]

Dans d’autres occasions, la Cour a fait appel à une notion qui est régulièrement appliquée dans la jurisprudence: celle de marge d’appréciation.[11] Dans l’affaire Nada, en particulier, la Cour a tout d’abord estimé qu’il était impossible de faire valoir la présomption générale d’interprétation conforme, cette présomption étant  ‘renversée en l’espèce, eu égard aux termes clairs et explicites, imposant une obligation d’introduire des mesures susceptibles de violer les droits de l’homme, qui ont été employés’.[12] La Cour a ensuite mis l’accent sur l’existence d’une ‘latitude, certes restreinte, mais néanmoins réelle’ dont les autorités helvétiques auraient bénéficié dans l’exécution des résolutions du Conseil de sécurité au niveau national,[13] qui a permis d’attribuer à la Suisse les conduites ‘ne relevant pas strictement de ses obligations juridiques internationales’.[14] Une telle approche a par ailleurs conduit la Cour européenne a reconstruire une véritable obligation, pour les Etats parties à la Convention, d’utiliser leur pouvoir discrétionnaire pour assurer l’harmonisation entre plusieurs instruments internationaux apparemment contradictoires et simultanément applicables.[15]

Ces mécanismes ont été utilisés par la Cour afin d’éviter la survenance d’une situation de contraposition effective entre des exigences en l’apparence incompatibles, en poursuivant l’objectif d’assurer une coordination délicate entre elles, bien que les résultats ne se soient pas révélés entièrement convaincants. La reconstruction proposée en particulier dans l’arrêt Nada et fondée sur le constat d’un prétendu pouvoir discrétionnaire de la part des autorités étatiques, s’est avérée à bien des égards artificielle.[16]

En revanche, l’affaire Al-Dulimi a effectivement mis en évidence l’existence d’un conflit normatif réel et incontournable,[17] même si la Cour, conformément à sa tendance générale d’éviter une approche conflictuelle, a fait référence à la ‘coexistence des garanties de la Convention et des obligations imposées aux Etats par les résolutions du Conseil de sécurité’.[18]

 

3. L’extension du champ d’application du principe de la protection équivalente au système des Nations Unies

L’affaire en question concernait précisément, ainsi que l’affaire Nada, la question de la compatibilité du régime des sanctions individuelles adoptées par le Conseil de sécurité avec le système de protection des droits fondamentaux établi par la CEDH. Il s’agissait en particulier de vérifier la conformité à l’Article 6 de la Convention de certaines décisions judiciaires helvétiques, qui avaient rejeté les recours intentés par la société Montana Mangement ainsi que son directeur, Al-Dulimi, frappés par les mesures adoptées par la Suisse en application de la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité concernant l’Irak.[19] Selon la décision des tribunaux suisses, l’incompatibilité des obligations imposées par la résolution avec celles de la Convention européenne devait être résolue à la lumière de l’Article 103 de la Charte des Nations Unies, qui entraîne, selon une logique hiérarchique, la primauté des décisions du Conseil de sécurité[20] et l’impossibilité subséquente, pour les juges internes, de procéder à un contrôle judiciaire effectif du bien-fondé des mesures nationales d’exécution.[21]

Le conflit entre des obligations incompatibles, en vertu desquelles l’Etat helvétique était amené à la fois à exécuter la mesure contraignante adoptée par le Conseil de sécurité et à respecter le droit à un procès équitable protégé par la Convention,[22] mettait en évidence l’inadéquation des techniques interprétatives destinées à promouvoir l’harmonisation d’obligations contradictoires aussi bien que du recours à la notion consolidée de la marge d’appréciation. Au contraire, l’actualité d’un tel conflit normatif, présent et effectif, imposait la recherche et l’identification de mécanismes réellement susceptibles de résoudre cette situation d’incompatibilité.

La Cour se trouvait donc confrontée à une alternative: d’une part, le recours à l’Article 103 de la Charte des Nations Unies, en exigeant l’adoption d’un critère strictement hiérarchique, aurait assuré la primauté définitive et radicale des obligations imposées par le Conseil de sécurité; de l’autre, l’application du principe de la protection équivalente aurait au contraire permis une résolution du conflit entre obligations incompatibles, grâce à l’analyse des caractéristiques du système juridique des Nations Unies, permettant de vérifier l’existence d’une telle équivalence substantielle dans la protection des droits fondamentaux garantis par le système de la CEDH.

A juste titre, la Cour s’est résolue à examiner le cas à la lumière du principe de la protection équivalente: elle a tout d’abord vérifié l’aptitude du système juridique des Nations Unies dans son ensemble à assurer une protection équivalente à celle prévue par le système de la CEDH.[23] La Cour a conclu ‘que la protection offerte au niveau international n’est pas équivalente à celle découlant de la Convention’.[24] Le résultat négatif de l’application du test de l’équivalence au système des Nations Unies paraissait malgré tout évident, ce que le Juge Malinverni avait déjà signalé dans ses considérations formulées à propos de l’affaire Nada,[25] considérations confirmées ensuite par le Rapport relatif à la promotion et à la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.[26]

C’est précisément cette circonstance qui est probablement à l’origine des hésitations de la Cour à propos de l’utilisation du critère de l’équivalence dans la définition des rapports avec les Nations Unies.[27] Il faut aussi ajouter que, par rapport à l’affaire Nada, les caractéristiques de l’affaire Al-Dulimi imposaient a fortiori la négation de l’équivalence de la protection : les individus insérés dans les listes relatives à l’ancien gouvernement irakien ne disposent en effet que de la procédure de radiation prévue par la résolution 1730 (2006), qui a établi le mécanisme du Point Focal,[28] et ne pouvaient pas compter sur un mécanisme de contrôle comparable à celui qui a été notamment mis en place pour les sanctions contre le réseau de Al-Qaïda.[29]

Le résultat négatif de l’appréciation in concreto de l’équivalence de la protection offerte par l’Organisation des Nations Unies a amené la Cour à exercer par conséquent un contrôle autonome, complet et indépendant sur la compatibilité réelle des conduites étatiques par rapport aux obligations conventionnelles, selon les paramètres établis par sa jurisprudence consolidée.[30]

Le constat d’une violation de l’Article 6 est donc dérivé du fait que l’absence d’une protection équivalente dans le système des Nations Unies, n’a pas été ‘compensée’, selon la Cour,[31] par la prévision de mécanismes nationaux de protection des droits de l’homme.[32] C’est en effet à partir de l’observation d’une carence d’équivalence dans la garantie des droits fondamentaux que le principe de la protection équivalente a trouvé son origine dans l’arrêt Solange I.[33] Ce critère a par ailleurs déjà trouvé application à l’encontre de l’Organisation des Nations Unies: les institutions judiciaires de l’Union européenne se sont en effet inspirées du principe de la protection équivalente dans de nombreuses phases de la procédure relative à l’affaire Kadi.[34]

 

4. Le dépassement d’une logique de subordination hiérarchique aux termes de l’article 103 de la Charte des Nations Unies

Dans l’arrêt Al-Dulimi, la Cour européenne a donc condamné la Suisse pour avoir permis à un acte exécutoire d’une obligation résultant de son appartenance aux Nations Unies,  de bénéficier de l’immunité de juridiction, faute, dans l’ordre juridique onusien, de mécanismes appropriés pour assurer une protection comparable à celle que la Suisse aurait dû garantir en vertu de la Convention européenne. Par conséquent, la Suisse a fini par priver indûment les requérants du droit à un procès équitable garanti par l’Article 6 de la CEDH.

La condamnation de la Suisse a été cependant décidée dans un climat de tension avec des opinions dissidentes témoignant de la nature très controversée de la question. La solution finalement retenue par la Cour a en effet été critiquée par certains de ses juges, qui sollicitaient au contraire l’adoption du modèle hiérarchique conforme à l’Article 103 de la Charte des Nations Unies, considérant le fait que, à leur avis, ‘en se bornant à s’appuyer sur le principe de “protection équivalente” – qui n’avait pas été appliqué ni même mentionné dans les arrêts Al-Jedda et Nada –, la majorité n’a pas directement abordé la question de savoir comment il convenait de résoudre ce conflit, concluant indirectement que les obligations imposées par la Convention prévalaient en l’absence de protection équivalente’.[35]

Jusqu’à présent, dans sa jurisprudence concernant l’Organisation des Nations Unies, la Cour européenne avait en effet, dans des cas à vrai dire limités et assez problématiques, fait usage de cette disposition très controversée,[36] afin de préciser les limites de l’exercice de sa juridiction sur les conduites étatiques destinées à garantir l’exécution des mesures adoptées par le Conseil de sécurité.[37] Le recours à cette disposition dans les rapports avec le système de la CEDH finissait néanmoins par assurer une primauté inconditionnelle à l’ordre juridique des Nations Unies dans son ensemble,[38] privant ainsi la Cour, de manière radicale, de l’exercice de tout pouvoir de contrôle sur les comportements des Etats assumés en application des obligations découlant du système des Nations Unies.

Si la formulation de l’Article 103 de la Charte ne semble pas pouvoir justifier complètement l’adoption d’une limite aussi étendue à la juridiction de la Cour,[39] la situation conflictuelle entre des obligations réellement incompatibles, que le cas Al-Dulimi a spécifiquement posée, aurait pu bien plus aisément entrer dans le champ d’application de cette disposition. Le Tribunal fédéral helvétique avait d’ailleurs fondé sa décision de 2008 précisément sur l’Article 103 de la Charte, en reconnaissant, dans une perspective purement hiérarchique, la primauté des obligations découlant des résolutions du Conseil de sécurité en dépit de la nécessité d’assurer une protection juridictionnelle effective des droits des requérants. L’application de l’Article 103 par le Tribunal helvétique reposait évidemment sur l’existence d’un lien formel et en même temps fondamental entre les Etats parties et la Charte des Nations Unies : la résolution d’un conflit normatif par l’utilisation du critère hiérarchique prévu par l’Article 103, s’imposerait donc aux juges nationaux du fait de la participation de leurs Etats au système des Nations Unies. Cette circonstance ne s’étend évidemment pas à la Cour européenne, qui est insérée dans un régime conventionnel autonome par rapport à celui de la Charte.

 

5. Conclusions

L’absence de toute référence à l’Article 103 dans la reconstruction des relations entre les systèmes de la Charte et de la Convention, réalisée dans l’arrêt Al-Dulimi, contribue donc à clarifier la position de la Cour européenne: elle a utilisé l’Article 103 pour affirmer l’ ‘autorité’ des principes et des valeurs fondamentaux de l’Organisation des Nations Unies dans son ensemble,[40] mais elle a en même temps soigneusement évité d’appliquer, dans son contenu littéral, une disposition par laquelle elle n’est, d’ailleurs, pas formellement liée, en faisant donc abstraction de son rôle originaire de critère hiérarchique pour la résolution des conflits normatifs.

Le choix d’un critère hiérarchique pour résoudre des conflits normatifs entre obligations internationales est en effet susceptible de conduire à des résultats insatisfaisants car il empêcherait a priori de mettre en balance le respect des résolutions du Conseil de sécurité avec le respect des droits fondamentaux découlant de la Convention.

Les décisions judiciaires les plus récentes montrent qu’il existe une tendance à appliquer les décisions contraignantes du Conseil de sécurité dans les limites du respect des valeurs essentielles des divers ordres juridiques considérés.[41]

La solution retenue par la Deuxième Chambre de la Cour européenne a ainsi mis en évidence l’inaptitude de l’Article 103 de la Charte à résoudre complètement le problème lié à l’incompatibilité potentielle entre les obligations imposées aux Etats par la participation à plusieurs régimes conventionnels. Il s’agit maintenant de vérifier si la Grande Chambre de la Cour, à laquelle l’affaire a été renvoyée sur la base de l’Article 43 de la Convention et qui est donc à présent en charge de cette affaire, va poursuivre la stratégie proposée par la Deuxième Chambre. Cette dernière a considéré le principe de la protection équivalente comme un instrument doté d’un degré de flexibilité suffisant pour concilier des exigences divergentes et des situations de conflit réel, de manière ductile et dynamique, plutôt que de façon statique et définitive. Une telle approche permet en effet de réaliser un véritable dialogue entre les divers systèmes juridiques, qui sont destinés à interagir dans l’ordre international, à travers une interaction croissante et un développement constant.

L’extension du champ d’application du principe de la protection équivalente au système juridique des Nations Unies, réalisé par l’arrêt Al-Dulimi, répond à l’exigence, largement ressentie par la jurisprudence, d’identifier une alternative à la subordination hiérarchique imposée par l’Article 103 de la Charte, au nom d’un mécanisme apte à assurer une coordination réelle entre systèmes conventionnels différents.

Le problème fondamental de cette approche découle évidemment de l’hétérogénéité des paramètres juridiques utilisés: les exigences qui conditionnent l’action du Conseil de sécurité sont très différentes (et beaucoup plus floues) de celles qui incombent aux Etats en matière de droits fondamentaux. Ces dernières imposent notamment des standards de protection beaucoup plus élevés et, en raison de leur origine conventionnelle, elles se caractérisent par un contenu très détaillé, précis et rigoureux. Le principe de la protection équivalente pourrait assurer une meilleure coordination entre les mesures décidées par l’Organisation des Nations Unies et les obligations imposées à ses Etats membres, de manière à permettre l’amélioration du niveau de protection, au sein de l’organisation, des valeurs considérées comme fondamentales pour si non tous au moins certains de ses membres.

 

[1] Al-Dulimi e Montana Management Inc. c Suisse, requête n 5809/08 (CoEDH 26 novembre 2013). L’affaire a été renvoyée à la Grande Chambre par une requête du gouvernement suisse, sur la base de l’art 43 de la Convention européenne des droits de l’homme.

[2] Pour une lecture du principe de la protection équivalente dans le système de la CEDH, voir B Conforti, ‘Le principe d’équivalence et le contrôle sur les actes communautaires dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme’, in S Breitenmoser, B Ehrenzeller, M Sassoli, W Stoffel, B Wagner Pfeifer (eds), Human Rights, Democracy and the Rule of Law: Liber Amicorum Luzius Wildhaber (Nomos 2007) 173; G Gaja, ‘The Review by the European Court of Human Rights of Member States’ Acts Implementing European Union Law: “Solange” Yet Again?’, PM Dupuy, B Fassbender, MN Shaw, KP Sommermann (eds), Völkerrechtals Wertordnung. Festschrift für Christian Tomuschat (Engel 2006) 518.

[3]En ces termes, P Palchetti, ‘Azioni di forze istituite o autorizzate dalle Nazioni Unite davanti alla Corte europea dei diritti dell’uomo’ (2007) 90 Rivista di Diritto internazionale 681, en particulier 682.

[4] M & Co. c Allemagne, requête n 13258/87, (Décision de la Commission, 9 février 1990).

[5] Voir en particulier Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret Anonim Sirketi c Irlande [GC], requête n 45036/98 (CoEDH 30 juin 2005); Coopérative des Agriculteurs de la Mayenne et la Coopérative laitière Maine-Anjou c France, requête n 16931/04 (CoEDH 10 octobre 2006); Etablissement Biret et Cie S.A. et Biret International c 15 Etats membres de l’UE, requête n 13762/04 (CoEDH 9 décembre 2008); Cooperatieve Producentenorganisatie van de Nederlandse Kokkelvisserij UC c Pays-Bas, requête n 13645/05 (CoEDH 20 janvier 2009); MSS c Belgique et la Grèce [GC], requête n 30696/09 (CoEDH 21 janvier 2011); Michaud c France, requête n 12323/11 (CoEDH 6 décembre 2012).

[6]  Voir notamment les arrêts Waite et Kennedy c Allemagne, requête n 26083/94  et Beer et Regan c Allemagne, requête n 28934/95 (CoEDH 18 février 1999) et, plus récemment Gasparini c Italie et la Belgique, requête n 10750/03 (CoEDH 12 mai 2009).

[7] En réalité, cette dernière affirmation représente le résultat d’une évolution récente de la jurisprudence de la Cour européenne: voir notamment l’arrêt rendu dans l’affaire Michaud (n 5): ‘la Cour se doit de constater que, du fait de la décision du Conseil d’Etat de ne pas procéder à un renvoi préjudiciel alors que la Cour de justice n’avait pas déjà examiné la question relative aux droits protégés par la Convention dont il était saisi, celui-ci a statué sans que le mécanisme international pertinent de contrôle du respect des droits fondamentaux, en principe équivalent à celui de la Convention, ait pu déployer l’intégralité de ses potentialités. Au regard de ce choix et de l’importance des enjeux en cause, la présomption de protection équivalente ne trouve pas à s’appliquer’ (par 115).

[8] Voir récemment la décision d’irrecevabilité rendue dans l’affaire Stichting Mothers of Srebrenica et autres c Pays Bas, requête n 65542/12 (CoEDH 11 juin 2013), par 154. A propos de cette affaire, voir MI Papa, ‘Immunità delle Nazioni Unite dalla giurisdizione e rapporti tra CEDU e diritto delle Nazioni Unite : la decisione della Corte europea dei diritti umani nel caso dell’Associazioni Madri di Srebrenica’ (2014) 8 Diritti umani e diritto internazionale 27.

[9] Voir en ce sens, parmi d’autres, Golder c Royaume Uni, requête n 4451/70 (CoEDH 21 février 1975) par 29 ; Al-Adsani c Royaume Uni, requête n 35763/9721 (CoEDH novembre 2001), par 55 ; Bosphorus (n 5) par 150 ; Neulinger et Shuruk c Suisse [GC], requête n 41615/07 (CoEDH 6 juillet 2010), par 131.

[10] Voir à ce propos Al-Jedda c Royaume Uni, requête n 27021/08 (CoEDH 7 juillet 2011) par 102, aux termes duquel ‘lorsque doit être interprétée une résolution du Conseil de sécurité, il faut présumer que celui-ci n’entend pas imposer aux Etats membres une quelconque obligation qui contreviendrait aux principes fondamentaux en matière de sauvegarde des droits de l’homme. En cas d’ambiguïté dans le libellé d’une résolution, la Cour doit dès lors retenir l’interprétation qui cadre le mieux avec les exigences de la Convention et qui permette d’éviter tout conflit d’obligations’.

[11] Sur la notion de marge d’appréciation dans la jurisprudence de la Cour européenne, voir, en général, M.S.S. (n 5) par 338 ; Michaud (n 5) par 103 ; Nada c Suisse [GC], requête n 10593/08 (CoEDH 12 septembre 2012) par 180.

[12] Nada (n 11) par 172.

[13]ibid par 180.

[14] Al-Dulimi (n 1) par 114.

[15] L’établissement d’une telle obligation découle du par 170 de l’arrêt Nada (11) aux termes duquel ‘deux engagements divergents doivent être autant que possible harmonisés de manière à leur conférer des effets en tous points conformes au droit en vigueur’.

[16] Quelques critiques à propos de l’existence d’une ‘marge de manœuvre’ réelle ont émané des juges de la Cour eux mêmes: voir à ce propos en particulier l’opinion séparée à l’arrêt Nada, rendue par le juge Malinverni, qui a insisté sur la présence, dans le cas d’espèce, d’une véritable ‘compétence liée et non pas d’une compétence discrétionnaire’ (Nada (n 11) Opinion Séparée du Juge Malinverni, par 10).

[17] Voir en ce sens en particulier les observations des juges Lorenzen, Raimondi et Jociene, dans leur opinion dissidente jointe à l’arrêt de la Cour.

[18] Al-Dulimi (n 1) par 111 (italiques ajoutés).

[19] Il s’agit spécifiquement de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies 1483 du 23 mai 2003, UN doc S/RES/1483 (2003), en particulier par 19 et 23.

[20] Tribunal fédéral helvétique, BGE 2A.783/2006 (23 janvier 2008) par 7.2.

[21] ibid par 9.2, aux termes duquel ‘la mise en œuvre de la Résolution 1483 (2003) exige de la Suisse qu’elle se tienne strictement aux mesures instaurées et aux décisions du Comité des sanctions 1518, qui, sous réserve d’une éventuelle violation du jus cogens par le Conseil de sécurité, ne laisse aucune place, même sous couvert du respect des garanties de procédure de la Convention européenne de droits de l’homme […], à un examen de la procédure d’inscription du requérant sur la liste publiée par le Comité des sanctions 1518, ou encore à la vérification du bien-fondé de l’inscription’.

[22] Sur la question de l’attribution, voir A Peters, ‘Targeted Sanctions after Affaire Al-Dulimi et Montana Management Inc. c. Suisse: Is There a Way Out of the Catch-22 for UN Members?’ (22 avril 2014) EJIL:Talk! <www.ejiltalk.org> consulté le 30 juillet 2014.

[23] Al-Dulimi (n 1) par 117.

[24] ibid.

[25] Voir notamment l’opinion séparée du juge Malinverni à l’arrêt Nada (n 11).

[26] Rapport du Rapporteur spécial sur la Promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Ben Emmerson (26 septembre 2012) UN doc A/67/396, en particulier par 21.

[27] Voir J Auvret-Finck, ‘Le contrôle par la Cour européenne des droits de l’homme’, in J Rideau, C Grewe, L Balmond, M Arcari (eds), Sanctions ciblées et protections juridictionnelles des droits fondamentaux dans l’Union européenne: équilibres et déséquilibres de la balance (Bruylant 2010) 241.

[28] Conseil de sécurité, résolution 1730 du 19 décembre 2006, UN doc S/RES/1730 (2006).

[29] Conseil de sécurité, résolution 1904 du 17 décembre 2009, UN doc S/RES/1904 (2009).Pour une critique radicale de la structure et de la procédure auprès du Bureau du Médiateur, malgré les dernières modifications, voir, ex multis, L Boisson De Chazournes, PJ Kuijper, ‘Mr Kadi and Mrs Prost: Is the Ombudsperson Going to Find Herself between a Rock and a Hard Place?’, in E Rieter, H De Waele (eds), Evolving Principles of International Law. Studies in Honour of Karel C. Wellens (Martinus Nijhoff 2012) 71.

[30] La Cour a en fait procédé, comme d’habitude, d’abord à l’analyse des faits et du contexte et à la qualification du droit invoqué (Al-Dulimi (n 1) par 122-124) et ensuite à l’énonciation des principes spécifiquement applicables à l’affaire (par 126-133).

[31] Al-Dulimi (n 1) par 120.

[32] ibidpar 134. Une telle solution avait par ailleurs déjà été sollicitée par la doctrine: voir en particulier L Condorelli, ‘Conclusions générales’, in SFDI, La soumission des organisations internationales aux normes internationales relatives aux droits de l’homme (Pédone 2009) 127, spécialement 135.

[33] Cour constitutionnelle allemande, Solange I, BVerfGE, BvL 52/71 (29 mai 1974) 37.

[34] Se prêtent en effet à la même lecture tant l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (GC), affaires jointes C-402/05 P et C-415/05 P, Kadi et Al Barakaat International Foundation c Conseil et Commission, Recueil 2008 I-06351 (3 septembre 2008), que l’arrêt du Tribunal affaire T-85/09, Yassin Abdullah Kadi c Commission européenne, Recueil 2010 II-05177 (30 septembre 2010), que, dernièrement, l’arrêt de la Cour (GC) affaires jointes C-584/10P, C-593/10 P et C-595/10 P, Commission européenne et autres c Yassin Abdullah Kadi (18 juillet 2013), non publié en Recueil. Pour une lecture de l’affaire Kadi à la lumière du principe de la protection équivalente, voir M Marchegiani, ‘Il principio di protezione equivalente nel caso Kadi’ (2014) Il Diritto dell’Unione europea 169.

[35] Al-Dulimi (n 1) Opinion dissidente des juges Lorenzen, Raimondi et Jociene.

[36] Sur la question, voir en général, Fragmentation du droit international: difficultés découlant de la diversification et de l’expansion du droit international, Rapport du Groupe d’Etude de la Commission du droit international établi sous sa forme définitive par Martti Koskenniemi (13 avril 2006) UN doc. A/CN.4/L.682.

[37]Behrami et Behrami c France [GC], requête n 71412/01 (CoEDH 2 mai 2007) par 147-149; Beric et autres c Bosnie-Herzégovine, requête n 36357/04 (CoEDH 16 octobre 2007) par 30.

[38] Pour approfondir cette perspective, voir P De Sena, ‘Sanzioni individuali del Consiglio di Sicurezza, art. 103 della Carta delle Nazioni Unite e rapporti tra sistemi normativi’, in F Salerno (ed), Sanzioni “individuali” del Consiglio di Sicurezza e garanzie processuali fondamentali (CEDAM 2010) 45.

[39] Voir en ce sens Palchetti (n 3) 699-700.

[40] Voir la décision Stichting Mothers of Srebrenica et autres (n 8) par 145. En ce sens, voir De Sena (n 38).

[41] Voir en ce sens la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne inaugurée avec l’affaire Kadi, susmentionné, et confirmée par des décisions postérieures parmi lesquelles, en particulier, affaires jointes C‑399/06 P et C‑403/06 P, Hassan et Ayadi c Conseil et Commission (3 décembre 2009) par 69-75 ; affaire C‑548/09 P, Bank Melli Iran c Conseil (16 novembre 2011) par 105; affaire C-335/09 P, Pologne c Commission (26 juin 2012) par 48; affaire C-239/12 P, Abdulrahim c Conseil et Commission (28 mai 2013). Voir encore la décision du 29 décembre 2008 du Comité des droits de l’homme dans le cas Sayadi et Vinck c Belgique  (Communication n 1472/2006, 22 octobre 2008) UN doc CCPR/C/94/D/1472/2006. Par rapport à la jurisprudence nationale, voir en particulier Cour fédérale canadienne, Abousfian Abdelrazik c Le ministre des Affaires étrangères et le procureur général du Canada (4 juin 2009); Haute Cour de justice d’Angleterre, Hay c H.M. Treasury and Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, affaire no CO/1200/2009 (10 juillet 2009).