1. Introduction

Pour l’immense majorité de nos contemporains, l’heure de la mort, qu’elle soit accidentelle ou naturelle, survient sans qu’ils l’aient voulue. L’interdiction quasi-universelle de tuer reste un principe fondamental, qu’elle ait une connotation religieuse (‘Tu ne tueras point’) ou rationnelle. Les homicides, volontaires ou involontaires, engagent la responsabilité pénale et civile de ceux qui les ont commis. Dans le monde d’aujourd’hui, le souci de vivre, de survivre, de ne pas mourir est une préoccupation beaucoup plus omniprésente que la revendication d’un ‘droit à la mort’.[1]
On ne saurait, cependant, ignorer le développement de revendications d’un tel droit, souvent formulé comme un ‘droit de mourir dans la dignité’. Elles sont portées par des groupes de pression variés qui font déposer des propositions de lois ou qui procèdent à la saisine des juridictions nationales ou supranationales, notamment européennes. Leur argumentation met en avant le primat de la liberté individuelle et les exemples étrangers qui prouveraient que ce ‘nouveau droit’ constitue un progrès indispensable.
Même si aucune de ces demandes n’a abouti, ni à une proclamation solennelle, ni même à une reconnaissance explicite d’un droit à la mort, elles ont été prises en compte par quelques législations, très minoritaires au plan mondial, mais fortement invoquées par un courant de pensée persistant et porté par des personnalités et des groupes de pression influents. Ceci n’est guère surprenant dans le contexte européen ou nord-américain contemporain. Plusieurs facteurs y concourent: le développement de l’individualisme qui s’accompagne de la revendication de droits de plus en plus nombreux destinés à assurer une autonomie personnelle de plus en plus poussée, la technicisation d’une médecine qui appréhende moins la personne dans sa globalité, l’état d’abandon, d’isolement et de solitude de certaines personnes, ainsi que la médiatisation de cas particuliers, conduisent à chercher des solutions ponctuelles présentées comme la reconnaissance de la liberté de choix des individus.
Toutefois, sans nier l’importance capitale de la liberté individuelle qui n’est d’ailleurs niée par qui que ce soit dans les démocraties libérales, on peut être très sceptique quant à la logique et à l’adéquation d’une solution consistant à accepter un droit à mourir allant de pair avec un droit de tuer ou de participer à la mort d’autrui. Un tel droit apparait extrêmement dangereux aussi bien quant à sa reconnaissance que dans sa portée.[2]

2. Une reconnaissance dangereuse

La reconnaissance d’un droit, et encore plus d’un droit fondamental, n’est envisageable que si ce droit dispose de fondements solides dans l’ordre juridique, d’une part, et s’il est possible de déterminer avec précision les conditions d’exercice permettant à son titulaire d’exprimer sa demande de façon claire et non contestable, d’autre part. Or, tel n’est pas le cas du ‘droit’ à la mort ou à l’euthanasie.

2.1. Les fondements du droit

Actuellement, un débat a lieu au Comité des droits de l’homme des Nations Unies où certains tentent de faire admettre une lecture de l’Article 6 du Pacte de 1966 relatif aux droits civils et politiques dont il résulterait que le droit à la vie, qui y est proclamé, inclurait le droit de recourir à l’interruption volontaire de grossesse et le droit de tuer.[3] Pourtant cette argumentation déjà soumise à des juridictions a échoué. Dans son célèbre arrêt Pretty c Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé sans ambigüité, en 2002, ‘qu’il n’est pas possible de déduire de l’Article 2 de la Convention un droit à la mort que ce soit de la main d’un tiers ou avec l’assistance d’une autorité publique’.[4] Elle rejoignait ainsi la Cour suprême des Etats-Unis qui, cinq ans plus tôt, avait affirmé que ‘ce droit n’a pas de place dans la tradition de notre pays, même pour les malades en phase terminale et mentalement sains d’esprit’.[5] Pourtant la pression est constante et les revendications réapparaissent souvent à la suite de faits divers authentiquement dramatiques, simplifiés et amplifiés par les médias.
C’est, ainsi, à la suite d’un fait divers dramatique que le Parlement français s’est saisi de la question de la fin de vie. Présidée par le Docteur Jean Leonetti, médecin et député, une mission parlementaire de trente membres, représentant la diversité des courants politiques, est parvenue à un accord qui déboucha sur le vote, à l’unanimité, de la loi du 24 avril 2005. Cette loi, qui reposait sur des principes simples, s’insérait dans un ensemble législatif cohérent. On doit s’abstenir de tout ‘acharnement thérapeutique’, c’est-à-dire d’actes médicaux qui correspondraient à une ‘obstination déraisonnable’, qui apparaissent ‘inutiles, disproportionnés ou … n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie…’.[6] Il n’existe pas de droit à la mort, mais le patient en fin de vie peut refuser un traitement ou une intervention. On rejoignait ici le droit à portée générale, rappelé dans une loi de 2002, de donner pour toute intervention thérapeutique un ‘consentement libre et éclairé’. Enfin, que l’arrêt des traitements résulte de leur caractère inutile ou du refus du patient, ce dernier a droit, depuis 1999, à des soins palliatifs.[7]
D’autres faits divers inciteront les milieux politiques à rouvrir le débat. Pour conclure en 2008, à la suite d’une minutieuse enquête, toujours dirigée par le Dr Leonetti, qu’il convenait de s’en tenir au statu quo et d’appliquer réellement la loi. Puis, à la demande du président Hollande, qui avait pris un engagement durant sa campagne électorale, un nouveau débat aboutit au maintien, pour l’essentiel, des principes de la loi de 2005. Quelques modifications y ont, cependant, été apportées dont l’une, ouvrant un droit à la sédation profonde, est loin de faire l’unanimité.[8]
La notion de sédation profonde est, en effet, ambigüe. Elle a été présentée, par ses promoteurs, comme devant permettre, exceptionnellement, d’agir sur quelques cas particuliers de souffrances physiques réfractaires à tous les autres traitements. L’intention n’est pas de tuer mais exclusivement de soulager la douleur jusqu’à la mort naturelle du patient. Elle a, en revanche, été vivement dénoncée comme susceptible de dissimuler des actes euthanasiques si on étend l’usage à d’autres hypothèses ou si l’on utilise des substances létales au-delà de ce qui est strictement nécessaire avec l’intention d’accélérer le décès du patient. Le débat sur la fin de vie a été rouvert dans le cadre des états généraux de la bioéthique dont les suites parlementaires, qui devraient avoir lieu en 2019, sont encore loin d’être précisées. On ne manquera pas d’invoquer des pays voisins qui ont admis le recours à l’euthanasie. Dans certains cas on est simplement en présence de ‘tolérances’ ou de possibles exploitations du flou ou des lacunes de la loi.[9] Dans d’autres cas, pour donner satisfaction aux groupes de pression demandeurs, ils mettent en place un ensemble de procédures qui ont l’apparence de simples modalités applicables dans des cas particuliers exceptionnels, par dérogation aux principes généraux inchangés alors, qu’en fait, elles inversent lesdits principes. Le suicide assisté, voire l’euthanasie, même s’ils constituent une simple possibilité offerte aux individus font disparaitre l’interdiction absolue de tuer. Dans les hypothèses prévues par la loi, tuer son semblable ne sera plus qualifié d’homicide.
La législation néerlandaise, qui est considérée par les partisans de l’euthanasie comme un modèle, est à cet égard tout à fait significative. La loi du 12 avril 2001 est discrètement appelée ‘loi sur le contrôle de l’interruption de la vie sur demande et sur l’aide au suicide’.[10] Aucun droit fondamental n’y est mentionné. On n’y trouve aucun principe et aucune formulation générale. La loi modifie l’Article 293 du Code pénal qui, désormais, continue à rappeler dans un premier paragraphe: ‘Celui qui, intentionnellement, ôte la vie à un autre pour répondre à sa demande expresse et sincère, est puni d’un emprisonnement de douze ans au plus ou d’une amende de la cinquième catégorie’. Il est simplement ajouté dans un deuxième paragraphe que ‘le fait visé au paragraphe 1 n’est pas puni s’il est commis par un médecin qui respecte les critères en vigueur visés à l’Article 2 de la loi sur le contrôle de l’interruption de la vie sur demande et de l’aide au suicide et qui le signale au médecin légiste de la commune conformément à l’Article 7, paragraphe 2, de la loi sur les pompes funèbres’. La loi ne modifie pas les principes existants. Elle se borne, apparemment, à introduire une exception limitée, sous réserve du respect de conditions de procédure, et moyennant certains contrôles.[11] Or, non seulement ce type de législation transgresse un interdit mais les conditions d’exercice de la dérogation sont très imprécises.

2.2. Les conditions d’exercice du droit

Les critères conditionnant la possibilité de déroger au principe ont eux aussi une apparence de rigueur, dans la loi néerlandaise. On peut les regrouper autour de trois exigences: le patient demandeur doit se trouver en fin de vie et être atteint d’une maladie incurable. De telles situations peuvent, effectivement, donner lieu à des appréciations médicales. Elles ne peuvent correspondre à des certitudes. Elles ne peuvent non plus exclure la découverte de nouveaux traitements. De même, le patient doit faire état d’une souffrance insupportable. Sans remettre en cause sa bonne foi on ne peut que constater que la notion de souffrance est particulièrement subjective. Elle varie selon les individus et selon leur environnement. Il en va ainsi lorsque la souffrance, dont il est fait état, est physique mais encore plus lorsqu’elle est psychique ou mentale. L’ampleur de la souffrance ressentie n’est d’ailleurs pas sans répercussion sur la demande elle-même. Celui qui la formule doit en effet être sain d’esprit. Jusqu’à quel point l’est-il lorsqu’il souffre vivement physiquement et encore plus psychiquement?
Un long et récent avis du Comité consultatif de bioéthique de Belgique permet de mesurer toutes les ambigüités de la loi du 28 mai 2002.[12] Emanant d’un Comité qui ne remet nullement en cause les principes de la législation, il permet de percevoir toutes les divergences que soulève leur mise en œuvre. Le patient demandeur n’a nul besoin d’être en phase terminale car ce n’est pas prévu par la loi. Quant au caractère incurable de sa maladie, il est apprécié très diversement, certains membres recommandant que l’évaluation de l’affection ‘s’effectue essentiellement à l’aide d’algorithmes de traitement reposant sur des critères scientifiques, fondés sur des preuves, conformes à l’état de l’art, et définis pour diverses affections’.[13] On peut effectivement s’inquiéter d’une décision d’euthanasier prise après consultation d’un programme informatisé! … Ceci n’exclut pas des appréciations totalement subjectives et le Comité reconnait que ‘de nombreuses personnes pensent qu’elles ont droit à obtenir l’euthanasie, pour l’unique raison qu’elles considèrent leur souffrance comme constante et insupportable’.[14] Parmi ces personnes, beaucoup mettent en avant une souffrance psychiatrique, psychique ou mentale. D’une façon générale, ce sont principalement les catégories incluant des souffrances d’ordre psychologique qui expliquent la forte augmentation des euthanasies pratiquées en Belgique. On est passé, selon le Comité, de 1.9% en 2007 à 4.6% des décès en 2013. Ces chiffres sont pourtant sous évalués car certaines euthanasies ne sont pas déclarées. Quant aux contrôles, ils sont, en dépit de pratiques s’écartant de la loi, inexistants … On ne trouve jamais les 2/3 des voix nécessaires pour que la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation des euthanasies transmette le dossier au procureur.
L’expression ‘libre et éclairée’ de son ‘droit de mourir’ par un individu est très loin d’être évidente compte tenu de sa fragilité, d’un sentiment de dévalorisation et des pressions de toutes sortes qu’il risque de subir. Aux dires de nombreux médecins et personnels médicaux, travaillant dans des services de soins palliatifs, la demande de mort, lorsqu’elle est explicitement formulée, reste souvent ambiguë et s’explique par le désarroi et la peur de souffrir. Dès lors que les intéressés sont pris en charge de façon humaine et soulagés de façon adaptée, la demande disparait d’elle-même.[15] Cette demande est encore plus incertaine lorsqu’elle est formulée non plus directement mais par des tiers, y compris des proches, voire le tiers de confiance désigné par le patient. Il en va de même lorsque le patient s’exprime en ‘différé’ par le biais de ‘directives anticipées’. Peut-on réellement considérer qu’une volonté exprimée par un individu en bonne santé n’est pas susceptible d’évoluer lorsque ce dernier se trouve en phase terminale et proche de la mort? Chaque être humain possède une extraordinaire capacité d’adaptation au contexte. La survenance d’un accident, d’une maladie grave peut radicalement modifier le regard que l’on porte sur la vie en général et sur sa propre vie en particulier. On peut accepter une intervention chirurgicale ou un traitement que l’on refusait auparavant par principe. Le droit médical a d’ailleurs pris depuis longtemps en compte ce type de comportement. Toute intervention thérapeutique requiert le libre consentement éclairé de l’intéressé, mais ce libre consentement peut être modifié ou retiré à tout moment. On ne voit guère pourquoi il en irait différemment en fin de vie. Sans doute les directives anticipées constituent-elles un élément d’information important quant aux souhaits et à la personnalité d’un individu. Elles ne peuvent cependant pas constituer une directive rigide.[16] Les législations qui évoluent dans ce sens négligent la souplesse qui doit entourer toute réflexion sur la manifestation d’une volonté humaine. Elles risquent de donner au ‘droit’ reconnu une portée dangereuse.

3. Une portée dangereuse

Accorder, sous une forme ou sous une autre, l’autorisation de tuer ou de participer à la mort d’autrui est en soi une transgression majeure. Mais, en outre, cette autorisation, même si elle est délimitée et exceptionnelle ne peut qu’entrainer des dérives inéluctables et aboutir à une incohérence de l’ordre juridique.

3.1. Des dérives inéluctables

Toute règle de droit peut être transgressée et laisser la place à des dérives. Mais, en général, il est possible d’y remédier. En l’occurrence les dérives sont inéluctables pour des raisons de nature juridique. En faisant échapper certaines pratiques à une sanction fondée sur leur caractère illicite, le législateur encourage un élargissement constant et illimité du domaine de tolérance. Le caractère nécessairement flou des critères dans un domaine particulièrement sensible fournit une argumentation à tous ceux qui voient dans la tolérance le point de départ d’un progrès’ et d’un nouveau droit fondamental. On peut ainsi jouer sur les notions de ‘fin de vie’, de ‘maladie incurable’, de ‘souffrances insupportables’ … La situation, aux Pays-Bas et en Belgique, est là pour le mettre en évidence. La législation a été invoquée par des personnes âgées, lassées de vivre et souffrant de cet état. Certaines, ayant atteint un certain âge mais ne souffrant d’aucune affection grave, font valoir les marques ‘incurables’ du vieillissement et évoquent leur ‘fatigue de vivre’ ou le sentiment d’avoir ‘accompli’ leur vie. Ces patients souffrent pour la plupart d’un sentiment d’abandon social mais pourtant une partie d’entre eux sont euthanasiés.[17] Les maladies et souffrances psychiques ont été prises en compte au même titre que celles de caractère physique, y compris pour des mineurs.[18] Des condamnés à perpétuité ont mis en avant leur souffrance morale et demandé, en quelque sorte, qu’on leur inflige la peine de mort à laquelle ils avaient échappé … Une femme transsexuelle qui s’était fait donner l’apparence d’un homme et ne se sentait pas mieux dans sa nouvelle condition a fait valoir l’absence de remède à cela … Toutes les demandes n’ont pas été satisfaites mais il est certain que l’on a été fréquemment très au-delà de ce que la loi permettait. Les approches statistiques sont, cependant, impossibles à réaliser dès lors que les contrôles ont été, de fait, inexistants. Tous les dossiers n’ont pas été transmis aux instances qualifiées qui se sont contentées de vérifications superficielles et formelles. Du fait de l’absence de contentieux l’exception est devenue un principe et un droit à la mort s’affirme de plus en plus.
Seules des circonstances très particulières sont susceptibles de permettre éventuellement de mettre fin à ces dérives. C’est peut-être ce qui se produira à l’issue de l’affaire Tom Mortier, actuellement pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme. [19] Le requérant, ressortissant belge, a appris que sa mère âgée de 64 ans, traitée pour une dépression, avait choisi d’être euthanasiée. Après avoir, sans succès, saisi l’ordre des médecins et porté plainte contre X auprès du Parquet de Bruxelles, il a porté l’affaire devant la Cour européenne. On peut espérer que cette dernière se prononcera sur le fond et n’hésitera pas à juger contraire à l’ordre européen l’acceptation d’un droit à l’euthanasie. Ce faisant, la Cour romprait, enfin, avec une attitude timorée et opportuniste sur les ‘problèmes de société’. Elle s’est jusqu’à présent trop souvent retranchée derrière la marge d’appréciation des Etats. Elle les a laissés déterminer arbitrairement à partir de quand commençait la protection de la vie humaine.[20] Elle ne s’est jamais prononcée directement sur l’interruption volontaire de grossesse, sur le mariage entre personnes de même sexe. Elle s’est, en revanche, révélée favorable au droit au changement de sexe. Toute sa jurisprudence ‘évolutive’ donne le sentiment que la Cour s’attache plus à constater l’évolution des droits nationaux qu’à se prononcer sur leur bien-fondé, ce qui la conduit à se rallier, le moment venu, à l’interprétation majoritaire ou en passe de le devenir. La Cour interprète de façon très large l’Article 8, les notions de vie privée et d’autonomie personnelle comme si elle voulait reconnaitre aux individus le droit de choisir leur mort.[21] Mais elle ne va pas aussi loin et semble attendre que se réalise un consensus en Europe.[22] Cette orientation de la Cour est surprenante. On conçoit difficilement comment l’Article 8, qui avait pour finalité de protéger la vie privée et familiale des individus contre des intrusions extérieures, pourrait fonder le droit de demander une intervention extérieure, médicale en l’occurrence, pour mettre fin à ses jours. Ceci constituerait un abus de pouvoir de la part de la Cour qui exercerait alors un véritable ‘gouvernement des juges’. Elle substituerait en effet sa propre opinion aux termes de la Convention et de l’Article 2 tels qu’elle les a elle-même interprétés dans sa formation la plus solennelle, dès l’arrêt Pretty contre Royaume-Uni. Une telle attitude minerait la cohérence des ordres juridiques, tant européen que nationaux.

3.2. L’incohérence de l’ordre juridique

L’ordre juridique est hiérarchisé. Il est fondé sur des principes qui sont mis en œuvre de façon adaptée. Les normes juridiques peuvent être assorties d’exceptions à condition que ces dernières soient justifiées. En revanche les exceptions non justifiées, surtout lorsqu’elles portent atteintes aux principes fondamentaux, ne peuvent que fragiliser l’ordre juridique.
Tel est le cas si l’on admet, même très discrètement, une autorisation de tuer, en contradiction totale et radicale avec l’interdiction de tuer autrui, principe fondamental et indispensable dans une société organisée et ‘civilisée’. On remet alors en cause, très directement, la déontologie médicale mais aussi l’ensemble de l’ordre juridique.
La déontologie médicale, dont on situe souvent les origines dans les principes dégagés, dès l’Antiquité, par Hippocrate et son école, impose des principes simples et humanistes. Le médecin ne peut intervenir à la demande d’un patient que pour le soigner de façon désintéressée en utilisant au mieux les connaissances qu’il a acquises. En toutes circonstances, il doit s’abstenir de le tuer voire de lui fournir les substances qui pourraient l’y aider.[23] C’est dans cette logique et à la suite d’une longue histoire que ces principes fondamentaux ont été rappelés après les atrocités commises notamment durant la deuxième guerre mondiale. Le corps humain est inviolable sauf nécessité thérapeutique avec le libre consentement éclairé du patient. Le rôle du médecin, auquel on peut désormais assimiler l’ensemble du personnel médical, ne peut être que bienveillant et positif.
Quant au recours au suicide, jadis incriminé, il échappe, dans les Etats libéraux, à toute sanction. Il n’y est pourtant pas considéré pour autant comme une liberté fondamentale mais plutôt comme une facette incontrôlable de la liberté individuelle. Il apparait, le plus souvent, comme un signe de dépression ou un appel au secours en direction de l’entourage et de la société. Il est décidé et réalisé sans l’intervention d’un tiers. Confrontés à une telle situation, les tiers sont en revanche légalement obligés d’intervenir pour porter assistance à cette personne en danger. C’est ce que font aussi, régulièrement, les services d’urgence lorsqu’y sont conduites des personnes ayant tenté de se suicider. Nul n’imaginerait qu’il faudrait les laisser mourir, voire les achever, sous prétexte que telle est leur volonté! Toute aide au suicide, voire toute incitation au suicide d’autrui est le plus souvent punissable.
Cette participation au suicide est, a fortiori, répréhensible si elle est le fait d’un médecin. Elle constitue, dans la plupart des Etats, non seulement un homicide au sens du droit pénal mais également une très grave faute professionnelle justifiant une radiation de l’ordre des médecins ou une exclusion du corps médical.
Admettre une exception aux principes en vigueur modifierait en profondeur la perception que l’on a du rôle du médecin. Ce dernier ne serait plus seulement celui qui soigne mais aussi celui qui tue … Certes, à la demande de l’intéressé, objectera-t-on, mais on pourra vite craindre que cette volonté ne soit interprétée ou comprise de façon erronée. Le sentiment absolu de confiance qui doit exister entre les patients, les médecins et le personnel médical risquerait d’être remplacé par un sentiment de peur et de défiance. Tel est depuis quelques années le cas aux Pays-Bas où certains malades en phase terminale se font transférer en Allemagne afin de ne pas être ‘suicidés contre leur gré’.[24] Ce changement d’attitude vis-à-vis du corps médical serait inévitable et particulièrement injuste à l’égard des médecins qui refuseraient par principe de pratiquer une euthanasie en invoquant une clause de conscience.[25]
L’impossibilité de concilier deux attitudes ou deux rôles radicalement incompatibles vaut non seulement pour les individus mais également pour les institutions. La mise en place de services hospitaliers où l’on pratiquerait l’euthanasie est incompatible avec le maintien et le développement des soins palliatifs. Non seulement parce que les soignants ne peuvent avoir deux rôles et deux visages, mais parce qu’il s’agirait de deux conceptions opposées de la finalité de la médecine. Il n’y aurait plus aucune unité de vue sur ce qui constitue le fondement de la culture médicale. En outre, dans des sociétés et à une époque où les dépenses de santé sont de plus en plus coûteuses et constituent une lourde charge financière pour la société, on ne manquerait pas de faire valoir que le recours à l’euthanasie coûte beaucoup moins cher que le développement des soins palliatifs et nécessite beaucoup moins de réflexions et de compétences.[26]
L’organisation des soins palliatifs est, en revanche, tout à fait en phase avec les progrès de la médecine contemporaine. Cette dernière utilise des moyens techniques de plus en plus sophistiqués. Leurs performances mêmes ont parfois fait oublier que la vie humaine a toujours une fin et qu’y parvenir ne constitue pas automatiquement un échec. Pourtant, c’est ainsi qu’ont réagi certaines équipes médicales. Après avoir utilisé sans succès, tous les moyens se trouvant à leur disposition, elles se trouvaient désemparées et le patient était abandonné à son sort. C’est dans un tel contexte que certains ont dénoncé l’‘acharnement thérapeutique’, c’est-à-dire l’utilisation disproportionnée et inutile de techniques inadaptées. Ils ont préconisé la rédaction de testaments de soins permettant de s’opposer par avance à de telles pratiques. La réflexion sur les soins palliatifs est venue, ensuite, combler un vide. Lorsqu’il n’est plus possible et utile de traiter médicalement un patient, il faut s’en abstenir tout en continuant à le prendre en charge.[27] Il faut lui offrir un environnement humain, respectueux de sa liberté, lui permettant de terminer sa vie de façon apaisée conformément à ses convictions. Médecins et soignants doivent être à l’écoute du malade et soulager, à sa demande, ses souffrances physiques ou psychiques.[28] Ils apparaissent moins comme des techniciens tout en exerçant leur rôle d’une autre façon, plus humaine, que la médecine contemporaine a souvent oubliée. Tout ceci demande des qualités humaines, mais aussi du temps, de la disponibilité et une formation spécifique. C’est ce qui explique que les véritables services de soins palliatifs, même s’ils se sont développés, restent très insuffisants en nombre et, pour certains, en qualité. C’est ce qui explique qu’un nombre non négligeable de personnes se plaignent des conditions dans lesquelles leurs proches sont morts à l’hôpital. Mais, au lieu de continuer à étendre les soins palliatifs comme il conviendrait, on en tire souvent des arguments pour préconiser l’euthanasie, solution de facilité peu couteuse. Pourtant, l’acceptation de cette solution, remettrait profondément en cause le développement des soins palliatifs et toutes les recherches qui lui sont associées. A long terme, elle ne serait pas sans incidence sur les valeurs fondamentales de l’ordre juridique.
Parmi ces valeurs, on trouve le respect de la vie humaine. Non mentionné dans les Constitutions du XVIIIé au début du XXé siècle car il paraissait évident, il y a été inscrit, ainsi que dans les grandes déclarations internationales et régionales, dès la fin de la seconde guerre mondiale en réaction ‘à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité’.[29]
De nombreuses dispositions et règles ont eu pour but d’empêcher ou de restreindre le plus possible les atteintes au droit à la vie. Le recours à la guerre est en principe prohibé en droit international sauf dans quelques hypothèses bien délimitées. Au plan interne, après avoir affirmé le ‘droit de toute personne à la vie’, la Convention européenne des droits de l’homme précise, dans son Article 2, que ‘la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal’ et elle ajoute que ‘la mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire’ dans les cas prévus par la Convention.[30] L’évolution ultérieure a restreint la portée de ces deux exceptions. Au-delà des spécificités nationales, la peine de mort ne peut plus être infligée, en droit ou en fait, en Europe. L’usage de la force a été strictement encadré par la Cour européenne qui veille non seulement à la nécessité de son intervention mais aussi à la proportionnalité de celle-ci. Enfin, de façon encore plus audacieuse, il ressort de sa jurisprudence que les Etats n’ont pas seulement l’obligation de s’abstenir d’infliger la mort mais doivent aussi garantir le respect de la vie des personnes notamment lorsque celles-ci se trouvent placées sous leur contrôle.[31] Tous ces efforts destinés à faire reculer, voire disparaitre, les cas de ‘mort infligée’ caractérisent des sociétés relativement pacifiées, disposant d’autres moyens pour assurer l’ordre et conscientes de la portée que doit avoir le respect de la dignité de la personne humaine. Ce sont ces valeurs qui fondent la société et qui donnent un sens à la Constitution qui la régit. La Cour constitutionnelle allemande s’y était référée dans sa grande décision relative à l’interruption volontaire de grossesse, du 25 février 1975, lorsqu’elle expliquait que l’Article 2 de la Constitution (reconnaissance du droit à la vie) comme l’Article 102 (abolissant la peine de mort) contient une ‘adhésion au principe de la valeur de la vie humaine et à une conception de l’Etat qui prend le contrepied des idées d’un régime politique pour lequel la vie de l’individu ne comptait guère et qui, pour cette raison abusa sans limites du droit qu’il s’était attribué sur la vie et la mort des citoyens’.[32]
Le respect de toute vie humaine, l’interdiction d’y porter atteinte sont des principes susceptibles, dans les sociétés pluralistes contemporaines, de rassembler des personnes de convictions différentes. Toute remise en cause fragilise l’ordre juridique et sa cohérence. Tel est le cas du non respect de la vie prénatale. Faut-il y ajouter un droit de tuer en fin de vie? La mort donnée médicalement sur demande serait-elle plus acceptable que celle qui était socialement infligée à la suite d’une décision de justice régulière? Accepter que la mort puisse être administrée à qui que ce soit, dans certains cas, suppose nécessairement que certaines vies ne méritent pas d’être vécues. En l’admettant dans l’ordre juridique, fut-ce marginalement, on transformerait fondamentalement la conception d’une société humaine et solidaire. Ce serait un changement de civilisation.

 

 

 

[1] Il suffit de rappeler que, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, de très nombreuses constitutions nationales et presque toutes les grandes déclarations internationales et régionales ont proclamé le droit à la vie, en en faisant très fréquemment un droit intangible et indérogeable.

[2] N Aumonier, B Beignier, P Letellier, L’euthanasie (Que sais-je? no 3595, PUF 2017). Dès l’introduction, les auteurs notent ‘qu’il existe à peu près deux positions inconciliables sur la question de l’euthanasie’ (ibid 1).

[3] C’est ce qui semble, en l’état, résulter de l’Observation générale no 36, préparée par un comité d’experts, dans le cadre de la 121é session devant se dérouler à Genève (cf Comité des droits de l’homme, Observation générale n°36 sur l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, concernant le droit à la vie, Projet révisé préparé par le Rapporteur, adopté en première lecture à la 120 session (3-28 juillet 2017). Le paragraphe 9 propose de faciliter l’accès à l’avortement. Le paragraphe 10 suggère que les Etats pourraient autoriser les professionnels de la médecine à administrer un traitement médical ou donner d’autres moyens médicaux ‘permettant d’accélérer la fin de vie d’adultes se trouvant dans un état extrêmement grave, comme les personnes blessées ou atteintes d’une maladie en phase terminale qui éprouvent une douleur ou une souffrance physique ou psychique et qui veulent mourir dans la dignité’. Cette ‘interprétation’ contredirait les Observations générales antérieures de 1982 et 1984. On pourrait ajouter que les rédacteurs des grands textes internationaux et régionaux n’avaient certainement jamais imaginé une telle lecture.

[4] Pretty c Royaume-Uni Req no 2346/02 (CrEDH [GC] 29 avril 2002) par 40. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe donne la même interprétation (Résolution 1859-2012, texte adopté par l’Assemblée le 25 janvier 2012, par 5): ‘L’euthanasie, au sens de tuer intentionnellement, par action ou par omission, une personne dépendante, dans l’intérêt allégué de celle-ci, doit toujours être interdite’.

[5] Cour suprême des Etats-Unis, Washington et al, Petitioners v Harold Glucksberg et al, 26 juin 1997.

[6] Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, art 1.

[7] L’équilibre réalisé paraissait très satisfaisant à condition de développer prioritairement l’accès effectif à de vrais soins palliatifs, dignes de ce nom, pour tous. Faute de l’avoir fait, on voit régulièrement ressurgir les demandes de légalisation de l’euthanasie.

[8] Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. De même, la loi italienne du 14 décembre 2017 sur le testament biologique a suscité des controverses dont certaines sont très proches de celles que l’on connait en France. Théoriquement, le fait de renoncer à donner des traitements inutiles ou disproportionnés, ne correspond pas à une démarche euthanasique. Cependant, la question se pose de savoir à quels types de traitements on peut renoncer. Peut-on y inclure l’alimentation et l’hydratation artificielles ? La loi française de 2005 ne réglait pas clairement cette question, l’une des rares sur lesquelles aucun consensus ne pouvait se réaliser. De longs et douloureux contentieux sont apparus sans pour autant régler définitivement le problème lorsque les patients n’ont pas exprimé de volonté et lorsque la famille et les proches sont divisés. Le fait que la loi de 2016 qui qualifie explicitement l’alimentation et l’hydratation artificielles de ‘traitements’ n’aura guère d’incidence sur ces contentieux, d’autant plus que certains services médicaux acceptent ces patients pauci-relationnels et que des transferts vers ces derniers établissements devraient être considérés comme un droit … La Cour européenne s’est surtout attachée aux garanties offertes (procédure, recours) plus qu’aux principes eux-mêmes. Lambert et autres c France Req no 46043/1 (CrEDH [GC] 5 juin 2015); Charles Gard et autres c Royaume-Uni Req no 39793/17 (CrEDH, 27 juin 2017); Afiri et Biddarri c France Req no 1828/18, (CrEDH, décision d’irrecevabilité, 23 janvier 2018).

[9] Tel est le cas du Code pénal suisse qui sanctionne, dans ses arts 114 et 115, de peines très faibles, qui peuvent être simplement pécuniaires, le ‘meurtre à la demande de la victime’ et l’‘incitation et assistance au suicide’, mais seulement, dans ce dernier cas, si l’auteur de ces actes était poussé par un ‘mobile égoïste’.

[10] Qualification donnée par l’art 24 de ladite loi.

[11] Il en va largement de même de la loi belge du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie qui s’inspire de ce modèle, ainsi que de la loi luxembourgeoise du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide.

[12] Avis no 73 du 11 septembre 2017 concernant l’euthanasie dans les cas de patients hors phase terminale, de souffrances psychiques et d’affections psychiatriques.

[13] ibid 66.

[14] ibid 57.

[15] C’est, notamment, en raison de l’environnement et de la situation des demandeurs qu’il est très difficile de distinguer entre euthanasie et suicide assisté.

[16] En France, la notion de directives anticipées a été introduite par la loi du 22 avril 2005 sur les droits des malades en fin de vie. ‘Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou de l’arrêt de traitement’. Avec la loi du 2 février 2016, elles sont devenues ‘contraignantes’. Elles s’imposent au médecin pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent ‘manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale’. Une procédure collégiale doit être suivie mais la décision relève du seul médecin. Quant aux directives, elles sont sans limitation de durée, révisables et recevables à tout moment et par tout moyen (art L 1111-11 du Code de la santé publique). L’interprétation de ces dispositions donnera vraisemblablement lieu à des contentieux. Ce sera sans doute le cas en Italie.

[17] Avis no 73 (n 11).

[18] Belgique, Loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie en vue d’étendre l’euthanasie aux mineurs, 28 février 2014.

[19] Tom Mortier a deposé deux recours devant la CtEDH, en 2014 et en 2017. Le premier a été rejeté, alors que le deuxième est encore pendant (cf <https://adfinternational.org/legal/mortier-v-belgium/>).

[20] Dans l’affaire Vo c France Req 53924/00 (CrEDH [GC] 8 juillet 2004) la Cour n’a pas hésité à affirmer, d’une part, que la première phrase de l’art 2 ‘se place parmi les articles primordiaux de la Convention en ce qu’il consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l’Europe’ (par 88) et, d’autre part, que ‘la Cour est convaincue qu’il n’est ni souhaitable ni même possible actuellement de répondre dans l’abstrait à la question de savoir si l’enfant à naître est une “personne” au sens de l’article 2 de la Convention’.

[21] Cette orientation est sous-jacente depuis l’arrêt Pretty (n 4). On la retrouve encore plus manifeste avec Haas c Suisse Req no 31322/07 (CrEDH, 20 janvier 2011); Koch c Allemagne Req no 497/09 (CrEDH, 19 juillet 2012) par 51-52. La Cour ajoute que le fait, pour les juridictions nationales, d’avoir refusé d’examiner au fond la demande du requérant constituait une violation de l’art 8 justifiant la réparation d’un préjudice moral (ibid par 88) ; cf également les décisions d’irrecevabilité: M Sanles Sanles c Espagne Req no 48335/99 (CrEDH, 26 octobre 2000); Ada Rossi et autres c Italie Req no 55185/08 (CrEDH, 16 décembre 2008); Nicklinson et Lamb c Royaume-Uni Req no 1787/15 et 2478/15 (CrEDH, 23 juin 2015).

[22] Affaire Koch (n 21) par 70; affaire Lambert (n 8) par 147.

[23] Le médecin devait déclarer dans son serment:‘Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion’. Il devait également s’engager à ne remettre à aucune femme de pessaire abortif.

[24] Dans un très substantiel et très intéressant ‘Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation de la loi no 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie’ et présenté par M Jean Leonetti (France Assemblée Nationale, no 1287, 28 novembre 2008) il est noté que le consensus néerlandais doit être relativisé. ‘L’ordre des médecins allemands fait état de l’installation croissante de personnes âgées néerlandaises en Allemagne […] S’y sont ouverts des établissements pour personnes âgées accueillant des Néerlandais […] Ces personnes craignent, en effet, que leur entourage ne profite de leur vulnérabilité pour abréger leur vie’ (ibid, Tome 1, 136). Le rapport contient un très large et très riche ensemble d’études et de réflexions sur la fin de vie.

[25] Encore faut-il que cette clause de conscience ait une portée effective. Ce n’est pas toujours le cas pour l’ensemble du personnel médical … Ce n’est pas non plus le cas lorsque les médecins qui l’invoquent se voient imposer d’orienter les demandeurs vers un autre médecin disponible et accessible.

[26] JC Martinez, Euthanasie, stade suprême du capitalisme (Via Romana 2017) notamment 105 et s.

[27] C’est au législateur qu’il revient de poser les principes généraux relatifs aux soins palliatifs. Cf, par exemple, en France: Loi du 9 juin 1999 relatif à l’accès aux soins palliatifs; en Italie: Legge 15 marzo 2010, Disposizioni per garantire l’accesso alle cure palliative e alla terapia del dolore.

[28] La mise en place de services de soins palliatifs a été à l’origine de réels progrès concernant les médicaments destinés à soulager la douleur ainsi que leur utilisation adaptée.

[29] Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, 10 décembre 1948, Préambule.

[30] Art 2 qui ajoute que le recours à la force doit être absolument nécessaire, ‘pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale, pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue, pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection’.

[31] Hypothèses de garde vue, détention, etc. Voir Keenan c Royaume-Uni Req no 27229/95 (CrEDH, 3 avril 2001): en présence de négligences ayant permis le suicide d’un détenu et de lacunes dans les soins médicaux, la Cour conclut à une violation des articles 3 et 13 de la Convention.

[32] Cour constitutionnelle fédérale allemande, arrêt du 25 février 1975, par132. Depuis cette époque, et notamment du fait de la réunification de l’Allemagne, la Cour a admis, à certaines conditions, une dépénalisation de l’IVG sans pour autant la légitimer.