1. Introduction

Les attentats terroristes perpétrés à Paris et Saint Denis le 13 novembre 2015 ont conduit la France à réagir vigoureusement en procédant à des frappes contre ‘l’Etat islamique d’Iraq et du Levant (EIIL)’ ou ‘Daech’, dès le 15 novembre, sur le territoire syrien. Le 17 novembre, l’armée française a de nouveau procédé à des frappes contre deux centres de commandement de l’EIIL dans la ville de Raqqa. Le porte-avions français Charles-de-Gaulle a ensuite appareillé pour rejoindre la Méditerranée orientale. Les 24 avions de chasse à son bord ont continué cette série de ‘frappes sur un certain nombre de sites privilégiés autour de Raqqa et Deir-ez-Zor qui sont les sites principaux de la formation des combattants étrangers’.[1] Dans le même temps, la France a obtenu l’activation, pour la première fois de son histoire, de la clause d’assistance mutuelle de l’Union européenne.[2] Depuis, les opérations françaises se poursuivent.[3]

La France n’avait toutefois pas attendu ces attentats pour frapper des cibles, non seulement en Irak à la demande de cet Etat,[4] mais également dans les parties du territoire syrien sous le contrôle de l’EIIL. Le Président François Hollande avait décidé, en effet, au début du mois de septembre d’y conduire des opérations aériennes contre l’EIIL. Dans un entretien paru dans Le Monde du 18 septembre, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian évoquait aussi des frappes en Syrie contre des ‘centres de formation des combattants étrangers’, qui préparent ces derniers ‘non plus uniquement en vue de contribuer aux combats de Daech au Levant, mais pour intervenir en Europe, en France en particulier’. Les premières frappes en Syrie remontent, du moins officiellement, au 27 septembre 2015, quand l’armée française a bombardé et détruit un camp d’entraînement de l’EIIL près de Deir ez-Zor. Pour justifier la destruction de ce camp, le chef de l’Etat a alors invoqué la légitime défense, le ministre de la Défense soulignant également que ‘le cadre légal est l’article 51 de la charte des Nations unies qui porte sur la légitime défense’.[5]

A nouveau, dans la nuit du 7 au 8 octobre, l’armée française a bombardé des cibles à Raqqa, pour détruire un camp d’entraînement hébergeant des ‘combattants étrangers, dont probablement des Français et des francophones’. Dans la nuit du 8 au 9 octobre, un autre raid a été conduit contre un centre d’entraînement dans la région de Raqqa. Là encore, la France a justifié son action par la légitime défense collective prévue à l’article 51 de la Charte des Nations unies. Ce sera à nouveau le cas pour les frappes conduites le 7 novembre, contre des installations pétrolières de l’EIIL en Syrie, puis le 9 novembre contre des stations de pompage de pétrole situées au sud-est de Deir ez-Zor.    Il apparaît ainsi que la France, qui considérait auparavant ne pas pouvoir intervenir militairement contre l’EIIL en Syrie au regard du droit international, a reconsidéré cette position. Sans doute ce changement s’explique-t-il, du moins sur le plan politique, par les différents attentats perpétrés en France au cours des précédents mois. Quant à l’argumentation juridique, avant les attentats du 13 novembre 2015, la France a justifié ses frappes en invoquant la légitime défense dans sa dimension collective, en soutien à l’Irak. Ces attentats ont en revanche conduit la France à invoquer désormais la légitime défense individuelle (section 2). Devant le Conseil de sécurité, le représentant de la France a ainsi affirmé, le 20 novembre 2015:

‘Les attentats du 13 novembre ont constitué, je l’ai dit, une agression armée contre la France. Nos actions militaires, dont nous avons informé le Conseil de sécurité dès l’origine, qui étaient justifiées par la légitime défense collective, peuvent désormais se fonder également sur la légitime défense individuelle conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies’.[6]

Parallèlement, la France a obtenu l’adoption ce jour-là par le Conseil de sécurité de la résolution 2249. Cette résolution, qui tient désormais lieu d’instrument de référence pour la mobilisation notamment militaire[7] contre l’EIIL, comme le souhaitait la France, ne constitue en revanche pas une base légale du recours à la force et se révèle singulière dans la pratique du Conseil de sécurité (section 3).

 

2. L’invocation de la légitime défense contre l’EIIL comme base juridique des frappes

L’invocation de la légitime défense pour justifier des opérations armées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme n’est pas nouvelle, tant s’en faut. L’exemple le plus intéressant à cet égard est la réaction militaire américaine aux attentats du 11 septembre 2001, consistant dans une offensive armée contre Al-Qaida et les Taliban en Afghanistan. On se souvient que le Conseil de sécurité avait alors considéré que les Etats-Unis étaient en situation de légitime défense,[8] et que la communauté internationale avait alors apporté un soutien très large à la riposte anglo-américaine aux attaques du 11 septembre 2001 et à l’argument de légitime défense avancé pour la justifier.[9] La légitimité forte reconnue à cette argumentation n’allait pas sans soulever néanmoins des questionnements juridiques.[10] Notamment, s’agissant du fait générateur, deux options étaient ouvertes par cette affirmation, sur le plan juridique: soit la réaction en légitime défense à une agression impliquait l’imputation à un Etat (l’Afghanistan) des attaques du 11 septembre, soit elle étendait la légitime défense à des attaques perpétrées par des personnes privées ou entités non étatiques.

Si l’acceptation massive à laquelle on assistait de cette extension du concept de légitime défense était alors peu ou prou inédite, l’argumentation fondée sur la légitime défense pour justifier aujourd’hui les frappes contre l’EIIL prolonge les interrogations sur le cadre juridique international en vigueur. En effet, une étape a depuis été marquée, s’agissant de la controverse sur l’extension du concept de légitime défense au-delà d’une relation interétatique,[11] par l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de Justice en juillet 2004 sur le Mur en territoire palestinien occupé. La CIJ y affirmait, à propos précisément de la lutte contre le terrorisme:

‘L’article 51 de la Charte reconnaît ainsi l’existence d’un droit naturel de légitime défense en cas d’agression armée par un Etat contre un autre Etat. Toutefois Israël ne prétend pas que les violences dont il est victime soient imputables à un Etat étranger’.[12]

Ainsi, la Cour refusait nettement l’argumentation d’Israël fondée sur la légitime défense, qu’elle jugeait infondée dès lors que les actes considérés par Israël comme ouvrant la situation de légitime défense ne sont pas attribuables à un Etat. Pour autant, si la formulation du passage cité semble dépourvue d’ambiguïté, et nettement axée sur la question de l’imputation à un Etat des actes constitutifs de l’agression, la Cour insistait largement dans ce passage de l’avis sur le fait qu’Israël exerce son contrôle sur le territoire palestinien occupé et que, comme Israël l’indiquait lui-même, la menace invoquée pour justifier la construction du mur trouve son origine à l’intérieur de ce territoire, et non en dehors de celui-ci. La portée de l’affirmation de la Cour peut ainsi être discutée.[13]

En tout état de cause, les Etats ayant recours à la force contre l’EIIL – qui n’argumentent pas que des attaques armées sont imputables à la Syrie, lesquelles ne le sont effectivement pas[14] – ne semblent pas quant à eux se résoudre à une interprétation classique et stricte, limitée à une relation interétatique (comme celle que semble avoir retenu la Cour en 2004). Et il faut bien noter que, à l’instar de la réaction américaine à partir de 2001 en Afghanistan, celle de la France en Syrie en 2015 n’a soulevé guère de protestation quant à l’invocation du droit de légitime défense, également utilisé – dans un flou entretenu entre ses dimensions individuelle et collective – par les autres Etats de la coalition pour fonder leur action contre l’EIIL en Syrie. Ainsi, devant le Conseil de sécurité, le 20 novembre 2015, le représentant des Etats-Unis a souligné que la légitime défense ‘individuelle ou collective’ permet de prendre ‘les mesures militaires nécessaires et proportionnées à la situation pour priver l’EIIL d’un sanctuaire’.[15] De même, le représentant du Royaume-Uni a affirmé: ‘Comme d’autres, le Royaume-Uni a déjà pris des mesures contre l’EIIL au titre de la légitime défense individuelle et collective, ainsi que nous l’avons indiqué au Conseil’.[16]

Au regard de la conception classique de la légitime défense, excluant la légitime défense en réaction à des actes (terroristes) qui ne seraient pas imputables à un Etat en vertu du droit international positif, le bien-fondé de l’argumentation sur la légitime défense interroge; à tel point qu’il semble désormais bien que le droit international en la matière est pas en train de connaître une évolution importante, dont la pratique des Etats face à l’EIIL marque une nouvelle étape. La teneur et la portée de cette évolution sont, certes, difficiles à analyser avec certitude. Mais, au regard du cadre factuel de l’offensive contre les Taliban en Afghanistan à partir de 2001, ainsi que de celle contre l’EIIL en Syrie à l’heure actuelle, l’évolution semble étendre l’invocation du droit de légitime défense face à des attaques armées de groupes terroristes localisés sur le territoire d’un Etat qui, tout en ne consentant pas expressément à une intervention sur son territoire, ne prendrait pas – par manque de volonté ou de moyens – les mesures idoines pour mettre un terme aux attaques conduites par ces groupes terroristes depuis son territoire. Telle est, précisément, l’argumentation exposée par les Etats-Unis à l’ONU:

‘States must be able to defend themselves, in accordance with the inherent right of individual and collective self-defence, as reflected in Article 51 of the Charter of the United Nations, when, as is the case here, the government of the State where the threat is located is unwilling or unable to prevent the use of its territory for such attacks. The Syrian regime has shown that it cannot and will not confront these safe havens effectively itself. Accordingly, the United States has initiated necessary and proportionate military actions in Syria in order to eliminate the ongoing ISIL threat to Iraq’.[17]

Marc Weller a aussi noté que ‘The UN Secretary-General appeared to offer an implicit endorsement when he noted that the U.S. strikes “took place in areas no longer under the effective control of the government”’.[18] Sans modifier les règles en vigueur relatives à l’attribution à un Etat des actes de personnes privées, l’extension consisterait ainsi plutôt à modifier la conception classiquement interétatique de la légitime défense.

Il est enfin à noter que l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 2249 le 20 novembre 2015, n’est pas de nature à remettre en cause cette analyse. Certes, contrairement à la situation des Etats-Unis en 2001, le Conseil de sécurité n’a pas inclus dans la résolution 2249 de référence à la légitime défense, ni explicite ni implicite. Le Conseil de sécurité n’y utilise d’ailleurs jamais la notion d’agression, ni celle d’attaque armée,[19] mais les seules notions d’‘attentats terroristes’ et d’‘actes de terrorisme’. Ainsi, si d’aucuns pourraient considérer la demande faite par le Conseil de sécurité aux Etats d’agir par ‘tous les moyens nécessaires’ contre l’EIIL (voir infra) comme une validation implicite de la légitime défense, qui serait peu ou prou la seule base juridique disponible,[20] la situation n’est pas vraiment claire. En revanche, il faut rappeler qu’une telle validation du fondement juridique de la légitime défense par le Conseil de sécurité n’était, sur le plan juridique, aucunement nécessaire; et l’absence de référence à la légitime défense ne constitue en rien non plus un désaveu de cette prétention juridique, puisque l’exercice du droit de légitime défense n’a en aucun cas à être autorisé par le Conseil de sécurité. Par ailleurs, il convient d’ajouter que l’adoption de la résolution 2249 ne met pas un terme à la prétendue situation de légitime défense, dans la mesure où elle n’établit certainement pas ‘les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales’ au sens de l’article 51. La résolution 2249 apparaît d’ailleurs, à cet égard, d’une certaine ambiguïté, bousculant les cadres dans une dialectique assez confuse de la légitimité et de la légalité, une ‘dissociation du titre à agir et de l’intérêt’.[21]

 

3. L’adoption de la résolution 2249, demande ambiguë de mobilisation contre l’EIIL

Sur la base d’un projet de la France, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité, le 20 novembre 2015, la résolution 2249 qui, relative aux ‘Menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme’, est largement consacrée à l’EIIL. Le Conseil, assez classiquement,

‘Condamne sans équivoque et dans les termes les plus forts les épouvantables attentats terroristes qui ont été commis par l’EIIL, également connu sous le nom de Daech, le 26 juin 2015 à Sousse, le 10 octobre 2015 à Ankara, le 31 octobre 2015 au-dessus du Sinaï, le 12 novembre 2015 à Beyrouth et le 13 novembre 2015 à Paris, et tous les autres attentats commis par l’EIIL’.

Cette résolution apparaît en revanche nettement singulière dans la manière dont elle aborde la question du recours à la force contre l’EIIL. Dans le paragraphe 5 de la résolution, en effet, le Conseil de sécurité demande aux Etats qui ont la capacité de le faire de prendre

‘toutes les mesures nécessaires, conformément au droit international, en particulier à la Charte des Nations Unies, au droit international des droits de l’homme, au droit international des réfugiés et au droit international humanitaire, (…) en vue de prévenir et de faire cesser les actes de terrorisme commis en particulier par l’EIIL (…) et d’éliminer le sanctuaire qu’ils ont créé sur une grande partie des territoires de l’Iraq et de la Syrie’.[22]

Alors que la résolution ne contient par ailleurs aucune référence à la légitime défense, se pose ainsi la question de savoir si, au travers de cette formulation du paragraphe 5, la résolution 2249 constitue la nouvelle base juridique sur laquelle la France et les autres Etats engagés dans la lutte contre l’EIIL en Syrie peuvent fonder leur action militaire. Ainsi, le représentant de l’Espagne a-t-il précisé par exemple à l’issue du vote au sein du Conseil de sécurité que ‘le paragraphe 5 de la résolution 2249 (2015) (…) assure une couverture légale’.[23] La réponse est pourtant assurément négative, car la résolution ne contient pas une véritable autorisation juridique de recourir à la force contre l’EIIL. Non sans une certaine ambiguïté – constructive ?[24] –, elle s’en tient en somme à affermir la légitimité d’une action, y compris militaire, pour éliminer le ‘sanctuaire’ qu’a créé l’EIIL sur une grande partie des territoires de l’Irak et de la Syrie, sans en constituer un fondement juridique pour autant.

Dans le préambule, le Conseil de sécurité qualifie l’EIIL de ‘menace mondiale d’une gravité sans précédent contre la paix et la sécurité internationales’. Il se déclare aussi ‘Résolu à combattre par tous les moyens cette menace d’une gravité sans précédent contre la paix et la sécurité internationales’. Au paragraphe 1 de la résolution, il ‘considère que tous ces actes de terrorisme constituent une menace contre la paix et la sécurité’. Une telle qualification évoque bien sûr l’article 39 de la Charte des Nations Unies. Pourtant, on constate que la résolution ne contient pas la formule ‘Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte’, que le Conseil inscrit dans les décisions fondées sur le Chapitre VII, par lesquelles il autorise, notamment, le recours à la force. Malgré la qualification de ‘menace à la paix et à la sécurité internationales’, la résolution n’est ainsi pas adoptée sous l’empire du Chapitre VII, ce qui révèle que le Conseil de sécurité n’entendait ainsi pas y autoriser des mesures coercitives.

Dans le même sens, on remarque que le paragraphe 5 de la résolution n’est pas introduit par le verbe ‘Décide’ ou ‘Autorise’, mais par le verbe ‘Demande’.[25] Il est d’ailleurs intéressant voire surprenant que le Conseil se contente de demander aux Etats de prendre ‘toutes les mesures nécessaires’ pour éliminer le sanctuaire de l’EIIL. Cette formule est en effet extensive, de manière à inclure le recours à la force armée; et l’on sait qu’elle est généralement utilisée par le Conseil pour autoriser les opérations militaires, ce qu’il précise toutefois en général (‘y compris militaires’). La formulation retenue dans la résolution 2249, en l’absence de décision et de référence au Chapitre VII, apparaît donc singulière dans la pratique du Conseil de sécurité. Si elle ne donne pas d’autorisation explicite d’agir militairement, la résolution 2249 pourrait ouvrir toutefois par cette formulation connotée la voie à une interprétation en ce sens, ce qu’il faut regretter.

Il est à cet égard à noter que le Conseil de sécurité demande aux Etats de prendre toutes les mesures nécessaires ‘conformément au droit international, en particulier à la Charte des Nations Unies…’. Cette formule tient une place cruciale dans la résolution, puisque les ‘mesures nécessaires’ que les Etats sont appelés à prendre doivent respecter leurs obligations internationales, au premier titre desquelles bien sûr celles relatives au recours à la force. Il a ainsi pu être analysé à juste titre que

‘This wording suggests that measures taken should comply with other rules of international law, including the jus ad bellum rules in the Charter. Thus, the resolution is to be seen as only encouraging states to do what they can already do under other rules of international law. It neither adds to, nor subtracts from, whatever existing authority states already have’.[26]

En d’autres mots, la résolution 2249 ne modifie en rien l’ordonnancement juridique et ne constitue pas en soi une base juridique pour les frappes aériennes de la France (et des autres Etats) sur le territoire de la Syrie.

Au final, la déclaration du représentant de la France – Etat à l’origine de la résolution 2249 – devant le Conseil de sécurité au terme du vote met en évidence la portée de cet acte juridique:

‘Sur le fondement de cette résolution historique du Conseil de sécurité, la France poursuivra et amplifiera ses efforts pour mobiliser toute la communauté internationale afin de vaincre notre ennemi commun’. [27]

Cette résolution est ainsi, comme l’a souhaité la France, non pas la base juridique internationale des opérations militaires contre l’EIIL en Syrie,[28] mais le socle de ses ‘efforts pour mobiliser toute la communauté internationale’, un ‘appel politique’[29] en somme à la mobilisation des Etats. Elle apparaît en cela ‘fortement innovante’.[30] Gardant le silence sur la légitime défense et n’autorisant pas le recours à la force contre l’EIIL, qu’elle encourage dans le respect du droit international, la résolution 2249 laisse le cadre juridique international applicable intact et, partant, le soin à chaque Etat de définir sa position quant à la mise-en-œuvre de ce cadre juridique, auquel il est simplement renvoyé. Et il s’agit là d’un élément d’ambigüité fondamentale de cette résolution, alors que les contours de certaines règles internationales relatives au recours à la force contre des terroristes ne sont pas toujours nets, tel que le droit de légitime défense invoqué face à l’EIIL aujourd’hui.

 

 

 

[1] Déclaration de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, en date du 18 novembre 2015. Source: Agence France-Presse.

[2] Lors de son discours devant le Parlement réuni en Congrès, le 16 novembre 2015, le Président Hollande a invoqué la clause de défense mutuelle de l’Union européenne (art 42(7) du Traité sur l’Union européenne, introduit par le Traité de Lisbonne), qui prévoit que ‘au cas où un Etats membres serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unies’. Le lendemain, dans le cadre du Conseil des ministres de la Défense, les membres de l’Union ont donné leur accord de principe à cette activation. Le compte-rendu de la réunion précise que ‘Les ministres ont exprimé leur soutien plein et unanime à la France et se sont dits prêts à fournir toute l’aide et l’assistance nécessaires’ et que ‘La mise en œuvre de l’article 42, paragraphe 7, ne nécessitera aucune décision ni conclusion formelle du Conseil’: doc 14120/15, <www.consilium.europa.eu/fr/meetings/fac/2015/11/ st14120_en15_pdf/>. C’est la première fois que cette clause est ainsi invoquée; elle donnera lieu à l’activation d’une aide et d’une assistance bilatérales.

[3] Entre le 2 et le 30 décembre, 134 frappes aériennes conduites par la France ont détruit 131 objectifs de l’EIIL. Dans la nuit du 31 décembre 2015 au 1er janvier 2016, des frappes ont à nouveau visé des installations de l’industrie pétrolière dans la région de Raqqa. Dans la nuit du 2 au 3 janvier 2016, des frappes ont conduit à la destruction d’un site industriel contrôlé par l’EIIL, qui lui servait d’usine de fabrication de roquettes artisanales et de stockage d’armement. Source: <www.defense.gouv.fr/operations/irak-syrie/actualites>.

[4] Dans leur lettre datée du 20 septembre 2014 adressée à la présidence du Conseil de sécurité des Nations Unies (UN Doc S/2014/691), les autorités iraquiennes ont demandé l’assistance de la communauté internationale dans la lutte contre les attaques perpétrées par l’EIIL. L’opération ‘ Chammal’, lancée le 19 septembre 2014, consistait initialement à assurer un soutien aérien aux forces armées irakiennes dans leur lutte contre l’EIIL (à la demande de l’Irak). Elle a été étendue à partir de septembre 2015, pour conduire également des missions contre l’EIIL sur le territoire syrien.

[5] Entretien au Monde, 18 septembre 2015. Voir également les Lettres identiques datées du 8 septembre 2015, adressées au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de la France auprès de l’Organisation des Nations Unies, UN Doc doc S/2015/745 (9 septembre 2015). La lettre s’en tient à exposer que ‘Conformément aux dispositions de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, la France a engagé des actions impliquant la participation de moyens militaires aériens face aux attaques perpétrées par Daech à partir du territoire de la République arabe syrienne’.

[6] UN Doc S/PV.7565 (20 novembre 2015) 2.

[7] Le 17 décembre 2015, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2253 étendant le régime des sanctions antiterroristes (gel des avoirs, interdiction de voyager, embargo sur les armes), visant initialement les membres d’Al-Qaida, aux membres de l’EIIL.

[8] Résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001).

[9] Voir notamment les procès-verbaux des réunions de l’Assemblée générale des Nations Unies, UN Doc A/56/PV.44 et suivants. Les seuls Etats ayant condamné ou critiqué l’action militaire en Afghanistan sont: l’Irak, l’Iran, la Corée du Nord, Cuba et la Malaisie. Voir J-C Martin, Les règles internationales relatives à la lutte contre le terrorisme (Bruylant 2006) 297 ss.

[10] Pour P-M Dupuy, la résolution 1368 (2001) repose sur ‘ (…) a particularly flexible interpretation, if not even one in total derogation of legitimate self-defence’: ‘The Law after the Destruction of the Towers’, Forum de l’EJIL, <http://ejil.org/forum_WTC/ny-dupuy.html> (disponible en 2001) 3.

[11] Comme on le sait, l’agression a été définie dans la résolution 3314 (XXIX), adoptée par consensus le 14 décembre 1974, par l’Assemblée générale des Nations Unies comme ‘l’emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies (…)’. Ainsi, cette définition limite le concept d’agression à un rapport interétatique.

[12] Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (Avis consultatif du 9 juillet 2004) [2004] CIJ Rec 194, par 139. Voir aussi Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (République Démocratique du Congo c Uganda) (Arrêt du 19 décembre 2005) [2005] CIJ Rec 223, par 146-147.

[13] Pour Marc Weller, par exemple, ‘The ICJ did not in fact hold that activities of non-state actors cannot give rise to self-defense, but that Israel could not invoke self-defense against a non-state actor operating in territory it occupied’: ‘Striking ISIL: Aspects of the Law on the Use of Force’ 19 ASIL Insights (11 mars 2015): <www.asil.org/insights/volume/19/issue/5/striking-isil-aspects-law-use-force>.

[14] ibid.

[15] UN Doc S/PV.7565 (n 6) 5.

[16] ibid 9.

[17] Letter dated 23 September 2014 from the Permanent Representative of the United States of America to the United Nations addressed to the Secretary-General, UN Doc S/2014/695 (23 septembre 2014).

[18] Weller (n 13). L’auteur se réfère à une déclaration du Secrétaire général Ban Ki-moon du 23 septembre 2014: Remarks at the Climate Summit Press Conference (Including Comments on Syria): <www.un.org/apps/news/infocus/sgspeeches/statments_ full.asp?statID=2356#.VIrmZNFyZ9A>.

[19] En revanche, dans la déclaration faite au nom du Conseil de sécurité par sa Présidente le 14 septembre 2014, le Conseil ‘condamn[ait] catégoriquement les attaques perpétrées par des organisations terroristes, notamment par l’organisation terroriste opérant sous le nom d’“Etat islamique d’Iraq et du Levant” (EIIL) et par les groupes armés qui lui sont associés, en Iraq, en Syrie et au Liban’ (italiques ajoutés): UN Doc S/PRST/2014/20 (19 septembre 2014).

[20] Ainsi, pour Ph Weckel, ‘La Résolution a apporté une légitimation à l’action collective qui n’avait pas seulement une portée politique, parce qu’elle situait ou insérait cette action dans le cadre de la légalité internationale, en l’occurrence l’application de l’article 51 de la Charte expressément mentionné dans les motifs de la résolution’: Sentinelle (22 novembre 2015) <www.sentinelle-droit-international.fr/?q=content/syrie-les-bases-de-lunion-militaire-contre-daech>.

[21] ibid.

[22] Le Conseil de sécurité avait déjà appelé à l’appui de la communauté internationale à l’Irak dans sa lutte contre l’EIIL. Dans une déclaration de la Présidente du Conseil de sécurité faite au nom de celui-ci le 19 septembre 2014, le Conseil ‘prie instamment la communauté internationale de renforcer et d’élargir, dans le respect du droit international, l’appui qu’elle fournit au Gouvernement iraquien dans sa lutte contre l’EIIL et les groupes armés qui lui sont associés’: UN Doc S/PRST/2014/20 (n 19).

[23] UN Doc S/PV.7565 (n 6) 3.

[24] D Akande, M Milanovic, ‘The Constructive Ambiguity of the Security Council’s ISIS Resolution’ EJIL: Talk! (21 novembre 2015) <www.ejiltalk.org/the-constructive-ambiguity-of-the-security-councils-isis-resolution/>.

[25] Aucun autre point – hormis le dernier dans lequel le Conseil ‘ Décide de rester saisi de la question’ – ne débute d’ailleurs par le verbe ‘ Décide’.

[26] Akande, Milanovic (n 24).

[27] UN Doc S/PV.7565 (n 6) 2.

[28] Un certain flottement apparaît néanmoins, puisque, dans la même déclaration, le représentant de la France a ajouté que ‘Cette résolution encadre notre action dans le cadre du droit international et dans le respect de la Charte des Nations Unies, qui est notre bien commun’.

[29] Le représentant de la Russie a précisé devant le Conseil de sécurité: ‘À notre avis, la résolution présentée par la France est un appel politique qui ne modifie en rien le cadre juridique de la lutte contre le terrorisme’: UN Doc S/PV.7565 (n 6) 5.

[30] Ph Weckel (n 20).